Design et créativité : Apprendre à avoir des idées

JP Cabaroc
6 min readMar 9, 2021

La créativité est au cœur du métier de designer. Il doit sans cesse trouver des idées neuves pour répondre aux besoins de ses clients. Et la difficulté de cette tâche réside dans le fait qu’à un problème donné correspond une multitude de solutions. On peut donc vite se sentir perdu si on ne sait pas comment chercher et comment choisir (car encore faut-il savoir choisir la bonne idée). Heureusement, avoir des idées ça se travaille et avec de la méthode, on peut organiser sa réflexion de manière à être efficace. C’est ce que nous allons voir.

L’idée, c’est quoi ?

Qu’entend-on par « avoir une idée » ?
En design, une idée est une réponse à un problème. Ça se formule en une phrase la plupart du temps. Quand un enfant pense à monter sur une chaise pour attraper un jouet inaccessible sur une table, il a une idée (s’il utilise une planche à roulettes, c’est une mauvaise idée, mais il ne le saura pas avant d‘être tombé). Le métier de designer, c’est trouver des solutions aux besoins des clients : « Je veux vendre plus cher », « je veux être entendu », « je veux avoir plus de temps », etc. Et pour cela, on va vous demander d’avoir plein de chaises à disposition !

D’où viennent les idées ?

La croyance populaire laisse penser qu’une idée surgit de nulle part, un peu comme par magie (voyez le symbole de l’ampoule qui représente l’idée dans la bande dessinée). Mais l’idée, bien sûr, est le résultat d’une réflexion, consciente ou non, et plus ou moins longue. Cette réflexion est influencée par son apprentissage du métier, mais aussi par ses expériences personnelles. C’est une des raisons pour laquelle un design est très lié à la sensibilité d’un designer. Cette sensibilité, c’est d’ailleurs ce qui fait le succès de beaucoup d’entre eux. Un designer peut créer des designs très différents selon les projets auxquelles il participe, pour autant il y a toujours une part de lui même en chacun d’entre eux. Mais si les idées sont en nous, elles ne vont pas sortir toutes seules non plus. Il faut un peu les aider et nous allons voir comment.

Une bonne idée c’est avant tout une idée qui répond à un besoin.

La culture personnelle

La première qualité d’un designer, c’est sa curiosité. Car c’est la base de ce qui forme sa culture. Beaucoup d’entreprises reprochent aux écoles qui forment les étudiants aux métiers du design de ne pas « livrer » des individus assez bons techniquement. Mais ils ne se rendent pas toujours compte que ces écoles passent beaucoup de temps à former les esprits. On apprend aux étudiants à se nourrir intellectuellement, à enrichir leur pensée, à développer leur sens critique. Une fois dans la vie active, on a bien moins le temps pour cet entraînement intellectuel qui prend des années (et même toute une vie). La culture personnelle, c’est quelque chose d’intangible et donc de difficilement quantifiable, mais il ne faut pas oublier qu’avant d’être réel, un design se conçoit dans la tête. L’apprentissage d’un logiciel est important bien évidemment, mais ce n’est pas ça qui fera de vous un designer. Ne loupez donc pas une occasion d’enrichir votre connaissance, lisez des livres, participez à des conférences, allez voir des expos, rencontrez d’autres designers, bref : soyez curieux.

Définir des objectifs

Avoir un bon bagage culturel, c’est bien, mais pour trouver des idées, il faut d’abord savoir ce que l’on cherche. La première chose à faire, c’est analyser la demande du client : « Qui est-il ? », « Quel est son besoin ? », « Quels sont les objectifs de communication ? », « Quelle est la cible », etc., c’est le genre de question qui vous aidera à cadrer vos recherches vers un point précis. Si vous avez la chance d’avoir un cahier des charges, vous aurez déjà des réponses à ces questions, sinon il faudra les poser. Le principe est d’avoir une liste de critères objectifs qui donnent un chemin à suivre. Maintenant que vous avez défini vos objectifs, passons à l’étape des recherches.

Cibler ses recherches

Une fois les objectifs fixés, il faut approfondir sa connaissance du sujet. C’est l’étape de recherche. Renseignez-vous sur le client et son domaine d’activité : cherchez des images, des informations, regardez ce que fait la concurrence, imprégnez-vous des codes de communications existants. Il faut nourrir son savoir, s’enrichir de références multiples. Si vous travaillez pour une société qui vend des avions radiocommandés, vous devez vous renseigner sur l’aéromodélisme, les différentes catégories d’avions, le prix que ça coûte, le profil type des personnes qui achètent ces produits, l’histoire liée à ce loisir, l’univers visuel qui lui est associé, etc. Vous ne savez pas encore comment vous allez vous servir de tout cela, mais plus vous avez d’informations et plus vous aurez de la matière sur laquelle bâtir vos idées. Car maintenant que vous avez vos références, il faut les digérer.

S’approprier un univers

Vous avez un problème à résoudre et vous connaissez votre sujet, reste à se concentrer sur l’objectif pour trouver un moyen de l’atteindre. Les interactions, les images, les couleurs, les éléments graphiques, la mise en page : tout doit avoir du sens par rapport à cet objectif. Vous ne ferez pas les mêmes choix si votre site s’adresse à des seniors amateurs d’opéra ou à des adolescentes fans d’équitation. De plus, il n’y a pas qu’un seul design possible pour répondre aux besoins d’un client, vous pouvez définir des axes de travail différents, mais alors il faudra choisir la réponse qui vous semble la plus pertinente.

Avoir un parti pris

Choisir le bon design parmi différentes pistes dépend de l’aspect que vous (ou votre client) décidez de valoriser et des choix esthétiques qui l’illustreront. Imaginons que vous deviez réaliser l’identité graphique d’une marque de chocolats diététiques artisanaux. L’objectif étant de mettre en avant les atouts du produit. Vous allez peut-être choisir de travailler sur l’axe « diététique », créer un univers autour de l’alimentation équilibrée qui reste un plaisir. Ou bien vous allez peut-être parler du savoir-faire ancien de la marque qui garantit la qualité du produit. D’un point de vue esthétique, vous avez la possibilité de montrer le produit brut sans artifice ou bien dans son packaging. Vous irez peut-être montrer des photos de l’artisan passionné dans sa chocolaterie ou bien peut-être que ce sont au contraire les clients heureux que vous montrerez. Bien sûr ça peut être un peu de tout ça à la fois avec le juste dosage, mais si vous voulez un design marquant, il faut un parti pris précis. Un design ne doit pas chercher à vouloir tout dire, mais se focaliser sur une idée forte.

L’inspiration perpétuelle

Comme on l’a vue précédemment, la culture personnelle tient une place importante dans sa capacité à trouver des idées. Se tenir au courant des tendances est indispensable, mais une idée peut venir de n’importe où : un voyage, un livre, une rencontre ou de la simple observation du monde…
László Bíró, l’inventeur du stylo à bille a eu l’idée de son invention en regardant des enfants jouer aux billes. Il avait remarqué que celles-ci laissaient un mince filet d’eau en roulant dans les flaques. Les idées peuvent surgir à des moments où on ne les attend pas, alors même qu’on n’était pas en train de chercher quoi que ce soit. C’est ce qu’on appelle la sérendipité. La capacité à découvrir quelque chose par le fait du hasard. La vie de tous les jours est une inspiration pour tout designer, le tout est d’être attentif à ce qui vous entoure.

Conclusion

Les idées de design viennent à la convergence de son expérience du métier, de sa sensibilité et de contraintes extérieures. Et bien qu’il y ait quelque chose de magique dans l’apparition d’une idée, elle est surtout le fruit d’un travail issu d’un exercice de la pensée.

Une bonne idée c’est avant tout une idée qui répond à un besoin.

Pas la peine de chercher systématiquement une idée de génie, car ça serait comme vouloir arriver au bout d’un voyage sans en faire le chemin. Comme disait Linus Pauling : « Le meilleur moyen d’avoir une bonne idée est d’en avoir beaucoup. »

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JP Cabaroc

Designer, directeur artistique et illustrateur. Cofondateur du podcast Profession Mutants www.cabaroc.com